Papa,
Nous avons tant de fois pensé à ce moment qui pouvait arriver et à la douleur et l'abysse que provoquerait ton départ, mais jamais nous ne l'avons imaginé aussi vite et brutalement.
On ne meurt pas d’une toux, Papa ? Qu'est-ce qui s'est passé…
Il y avait encore tant de voyages à réaliser, de repas en famille, entre amis, de concerts de Bruce, tes 60 ans de mariage à Chasseneuil et juste du quotidien à partager. On aurait tant aimé que ça continue, que tu puisses voir tes petits-enfants se marier, avoir des enfants. Tu aimais tellement la famille et les amis.
Alors les souvenirs reviennent, Papa :
Les souvenirs de l’école :
Avec la fierté de t'accompagner à l'école Paul Bert à notre entrée en primaire, de faire le chemin avec toi,
D'amener notre cahier dans ta classe quand nous avions des mauvaises notes, mais c'était surtout un prétexte pour discuter avec tes collègues, que ce soit avec Abel, Michel, Émile, Jeanne, Alain, Roger et tous les autres,
De te voir corriger tes cahiers et faire tes préparations pour ta classe de CE2 dans la cuisine rue Guynemer,
D'être à l'étude dans ta classe et de ne pas savoir comment t'appeler, Papa ou Maître,
De sonner l'entrée en classe quand tu arrivais. Tu aimais tant ton métier d'instituteur et les jeunes. Samedi matin encore, une élève t'a reconnu. Tu nous as toujours poussés dans les études, mais en nous laissant le choix. Tu nous disais : « Faites ce que vous voulez, mais faites-le bien. »
Les souvenirs sportifs, Papa :
Avec nos premiers pas à la piscine, avec mes sœurs et maman le mardi soir à Outreau, où tu nous apprenais à nager avant de nous inscrire au swimming club,
À nous promettre des glaces si on rejoignait le rocher de la plage de la Salice à Antibes,
Tu nous as suivi, emmené avec mes sœurs dans les compétitions tous les dimanches, les entraînements, trouver un poney pour Sophie, Shangai, pour assouvir sa passion, toujours pour qu'on donne le meilleur car il fallait faire les choses bien, et gagner.
Tu avais la gagne, ayant été toi-même un compétiteur au tennis de table. Tu as tant donné en tant que bénévole, toujours désintéressé et sans calcul, car tu aimais le sport, que ce soit à l'APBO de joueur à président plus de 60 ans. Tu le disais encore mercredi, 60 ans de camaraderie des bleus à la salle des Tilleuls,
Au swimming en tant que président, car tu maîtrisais mieux les chiffres que la nage, au conseil du sport, à la fédération de natation. Quelle fierté pour toi d’aller aux jeux de Londres et Rio avec Francis !
Cet été encore, avec les JO de Paris, nous avons marché dans Paris entre les différents sites, bu une bière au parc des Champions. Quelle fierté et bonheur de voir les courses de Léon Marchand, les matchs des frères Lebrun et tous les sports, car tu les aimais tous. L’olympisme, ce sont tellement tes valeurs, l’excellence, l’amitié, le respect.
Les souvenirs de vacances, Papa :
Les départs en vacances pour Antibes Juan-les-Pins, en Citroën CX en écoutant Simon and Garfunkel, pour y retrouver Georges après avoir mangé chez Mémé et Pépé,
Les vacances au Cap d’Agde avec Jean, Sylvette, Réjane et Jacques avec les anniversaires de Coco avant le départ, Sophie le 14 juillet autour des barbecues d’Elheutera, des feux d’artifice et des tables de ping-pong, et ton anniversaire le 28 où tu aimais nous payer à tous le resto,
De tous les voyages en famille aux 4 coins du monde, rien ne t'arrêtait : ni la tyrolienne en Amérique centrale, le cheval en Colombie, le 4x4 et la pirogue en Afrique à chercher les animaux, ton renouvellement de vœux de mariage à Vegas avec le King, en Égypte encore récemment avec Coco, tant qu'on te laissait choisir le resto et l'apéro le soir, tu étais content.
Et ce voyage en Tunisie l'année dernière, tu avais bouclé la boucle, comme tu disais, pour me montrer où je (Sandrine) suis née, où tu as vécu avec maman pendant 2 ans, revoir les enfants de vos amis Ryad, Karim, Nadia. Quel accueil dans ta classe, dans l’école avec le directeur et avec ces enfants qui chantaient, tu étais tellement ému.
Les souvenirs du quotidien, Papa :
T’entendre traîner des pieds le matin dans le couloir, manger des Werther's, ta glace Häagen-Dazs au caramel beurre salé le soir, ton petit verre de whisky avec une goutte d’eau pour libérer les arômes, ta petite Trois Monts en regardant le sport avec Fabrice, Xavier, Arnaud,
Discuter de l’actualité, de politique, de tout,
Et surtout, ne plus t’entendre appeler Mimi du matin au soir, que ce soit pour te looker et te donner tes affaires le matin, te faire à manger sinon gare à la catastrophe si on te laissait faire, avoir besoin d’elle pour rejoindre ta couche ensemble comme tu disais.
Étant jeunes, on n'a jamais rêvé de carrières, d’argent, mais d’un amour comme celui avec maman. Maman a perdu un mari, un amant, un ami, son 4e enfant.
Papa, c’est tellement difficile de parler de toi au passé. Alors on essaye de se dire que tu es parti en ayant eu toute la famille près de toi pour ce réveillon de Noël, pour ce 31 passé chez Véro et André à boire des bons vins avec tes amis, en ayant passé un beau week-end chez ta sœur Marie-France avec Joël et leurs enfants, en ayant vu la famille de ta sœur Michèle, même si c’était pour un événement qui t’a particulièrement éprouvé.
Mais tu ne goûteras pas le pudding de Stéphane en janvier, que tu aimais tant, occasion aussi pour aller voir ta sœur Nicole, et Arnaud que tu aimais écouter au saxo.
Papa, tu avais peur de la mort, de la maladie, voir partir tes amis comme Jean et les autres. Carole, ta filleule, te rendaient mélancolique. Tu n’aurais pas survécu à maman, que tu avais dans la peau, ton roc depuis 57 ans. Alors partir en un claquement de doigt, sans souffrance, sans t’en rendre compte, c’est certainement ce que tu aurais choisi.
Papa, merci de nous avoir si bien aimées Sophie, Corinne et moi (Sandrine), alias Hong Kong Fou Fou, Grosminet, la Panthère Rose, tes 9 petits-enfants, d’avoir tant aimé maman. Merci pour toutes ces valeurs et convictions trop longues à énumérer que tu nous as transmises. Papa, on t’aime, et comme la chanson de Bruce que tu écoutais si souvent : « Et même si tu es parti et que notre cœur est vide, il nous semble qu’on se reverra dans nos rêves car la mort n’est pas la fin du voyage. »